Vous avez vaguement entendu parler de “Feng-shui”. Si ce mot provoque chez vous un sourire, comme on évoquerait une science inaccessible, une superstition, une religion venant d’un lointain continent … vous ne pourrez plus jamais nier, après avoir lu cet article, que l’Orient a une grande longueur d’avance sur sa perception de l’habitat et la conscience de l’impact que l’architecture d’intérieur peut avoir sur notre quotidien.

 

L’ARCHIPEL DE LA MAISON

C’est suite à la visite de l’exposition “Japon, L’Archipel de la maison”, et à la lecture de son livre écrit par Véronique Hours, Fabien Mauduit, Jérémie Souteyrat et Manuel Tardits, (dont je vous recommande vivement la lecture), que j’ai enfin compris ce qui faisait l’essence des maisons japonaises. Plus qu’un art de vivre, c’est une manière de penser l’espace et de concevoir la maison. Ce recueil, particulièrement intéressant, porte un regard et un questionnement sur l’HABITANT et non seulement sur l’ARCHITECTE. Il présente des “maisons d’hier” et des “maisons d’aujourd’hui” en analysant les problématiques des habitants et les réponses des architectes, à travers des courtes interviews faites auprès des 2 parties. Car au Japon, visiblement, ce qui fait la qualité d’un bon architecte est sa qualité d’écoute et le sur-mesure de ses créations.

L'Archipel de la Maison

Voici mon décryptage des codes de l’architecture au Pays du Soleil Levant, avec quelques extraits de mon carnet d’étude et photographies de ce superbe recueil.

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La culture de l’éphémère

La première raison de cette longueur d’avance qu’ont les Japonais quant à leur perception de l’habitat, est sans aucun doute liée à un contexte géographique et physique, qui interagit mutuellement avec les contextes historiques et économico-social :

Vivant au croisement de 4 plaques tectoniques, les Japonais font régulièrement face à des tremblements de terre.

(1923) Vivant au croisement de 4 plaques tectoniques, les Japonais font régulièrement face à des tremblements de terre.

Ishinomaki, 2011

Tsunami, Ishinomaki, 2011

 

Alors qu’en France, ce qui fait la beauté de la capitale, (et de nombreuses grandes villes françaises), est sans doute l’uniformité imposée du style Hausmann pour l’éternité …

Blv-haussmann-lafayette photo Thierry Bézecourt Château_de_Champs-sur-Marne,_Franceou la pierre massive et rassurante des grandes propriétés transmises de génération en génération…

 

 

 

 

 

au Japon, on construit généralement une maison pour … 25 ans ! Cette culture de l’éphémère, rapproche alors l’architecture d’un produit lié aux modes, mais renforce par ailleurs la créativité des architectes, qui construisent alors, non pas pour une société, mais pour un individu, une famille.

sky house architecte Kikutake Kiyonori

Au Japon, on n’hérite pas d’une maison, on hérite surtout d’un terrain : ainsi, raser la maison de ses parents pour y construire la sienne, est tout-à-fait courant.

Une maison individuelle à tout prix

Evidemment, nous aussi, on rêve tous d’avoir une maison individuelle au lieu de s’entasser dans des immeubles et s’entre-déchirer avec ses copropriétaires. Et si on vit, malgré ce rêve, en appartement, c’est certainement à cause du coût de l’immobilier !

Les immeubles existent aussi au Japon comme partout, et le coût de l’immobilier y est aussi un problème. Mais on comprend, à la lecture de ce livre, que les Japonais mettent un point d’honneur à avoir leur indépendance dans ce qu’ils considèrent comme leur “refuge”.

Dans leur maison, la frontière entre l’extérieur et l’intérieur est alors très marquée, par différents procédés, décris ci-après : soit par une large engawa, soit par des murs “autistes” avec peu d’ouverture sur l’extérieur, et toujours, par l’importance de l’entrée et du hall.

Une créativité moins bridée

Par ailleurs, si cette créativité est boostée par des impératifs économiques (coût d’un terrain : jusqu’à 10 fois le prix de la maison au m²! ), le désir des Japonais d’avoir leur propre maison individuelle, est certainement moins bridée par des règlement urbanistes.

Ainsi, en 1966, l’architecte Azuma achète un terrain de 20m² (!) et y construit une maison de 6 étages pour sa famille !

Azuma 1966 maison de 6 étages 20m2

Depuis, nombreuses autres maisons individuelles se sont construites sur des petits terrains, des bandes entre 2 immeubles…

(Vous imaginez déposer un permis de construire comme ça en France? Rire  “Bonjour ! J’ai un petit terrain de 20m2, je voudrais y construire une maison de 6 étages !”)

Le tatami: cette natte légère qui est aussi un instrument de mesure

 

Tatami -Takamatsu CastleCe tapis de paille de riz tressé, d’épaisseur 5 cm, se pose sur un parquet brut et se transforme en un élément de plancher rigide. Il est alors inenvisageable de rentrer “chaussé” dans la maison: c’est aussi ça, la puissance “zen” des maisons japonaises. Des espaces privés, calmes, dans lesquels on ne peut se comporter comme à l’extérieur.

La dimension du tatami traditionnel est bien règlementée : 91 cm x 182 cm, et le tatami se transforme alors en instrument de mesure pour l’architecte. On parle ainsi d’une pièce de 8 tatamis, c’est-à-dire une pièce qui peut contenir 8 tatamis.

L’idée de concevoir une maison en multiples de tapis, est très révélatrice de cette conscience de l’agencement intérieur et de la manière dont on va y vivre, dès les premiers plans de l’architectes.

 

Des maisons dessinées depuis l’intérieur

En Occident, on fait souvent l’éloge des grands architectes dont on ne connait que l’aspect extérieur des constructions. Et l’agencement intérieur des maisons se décide généralement après avoir validé un projet extérieur.

Au Japon, un architecte est avant tout un architecte d’intérieur. Ainsi, la forme et l’aspect extérieur de la maison découleront du confort intérieur !

Emprunter le paysage

shakeï

Par exemple, on utilisera le procédé de “shakeï” (“emprunt de paysage”, utilisé dans les jardins japonais) pour placer une fenêtre qui, depuis l’intérieur, cadrera un rocher, un arbre, une vue mer … tout en s‘évitant la vue sur un bâtiment peu esthétique. L’aspect extérieur des ouvertures (alignement, dimensions identiques) importe moins : l’essentiel est ce qu’elles cadrent depuis l’intérieur.

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En revanche, en l’absence totale de vue intéressante, les maisons se replieront parfois totalement sur elles-mêmes, quitte à en devenir des maisons “introverties”. Le jardin et les ouvertures donnant sur ce dernier, seront alors placées au coeur de la maison !

maison KN - Kochi's architects studio

 

J’aime beaucoup cette notion “d’emprunter” et non de “s’attribuer” que l’on peut connaitre parfois dans des bagarres occidentales pour obtenir une vue mer ou une plage privée. Ainsi, une habitante raconte avoir rasé la maison de son père pour la reconstruire à son goût, tout en incluant dans sa nouvelle architecture, un espace vide pour que les écoliers passant tous les matins devant sa maison, puissent récupérer la vue mer que la maison de son père avait autrefois occulté.

maison à Zaimokusa - architectes Contemporaries

L’importance de l’entrée

l'entrée

Dans la maison japonaise, on se déchausse à l’entrée, et on monte au moins 1 marche : en japonais, “entrer dans la maison” se dit “monter dans la maison”.

L’entrée joue un rôle de sas et n’est jamais négligée. Souvent, elle est même double :

  • une entrée, passage entre l’extérieur et l’intérieur, couvert mais non fermé,
  • puis, après la “porte d’entrée”: un hall, pour se déchausser avant de rentrer (monter) dans la maison.

Je suis particulièrement sensible à cette pièce (l’entrée) que je vois trop souvent négligée par mes clients, prêts à rentrer directement de la rue vers un séjour avec cuisine ouverte, et ne sachant que faire, après avoir passé la porte, de leur manteau, leurs clefs, et leurs enfants accourant immédiatement sans laisser une seconde de transition.

Engawa / la notion d’ “espace-tampon”

engawa

Par ailleurs, cette frontière entre l’intérieur et l’extérieur peut être traversée en passant par une zone intermédiaire, l’ENGAWA. L’engawa est réservée aux maisons avec jardin –ou donnant sur une forêt, un espace vert-, est une terrasse couverte, dans la continuité de l’intérieur. Le plancher, à même niveau, est également du même matériau que le plancher intérieur. Cette terrasse, couverte, renforce son lien avec l’intérieur de part son sol et son plafond. Dans le même temps, elle se caractérise par une ouverture totale,  contrairement à nos vérandas. Ainsi, l’été, toutes baies vitrées ouvertes, les frontières dedans/dehors seront totalement floutées, et l’Engawa représente alors un “espace tampon”.

 

engawa-la maison tranchée

 

La maison : sphère de l’intime… dans laquelle la collectivité s’épanouït

En 1935 déjà, le philosophe Watsuji Tetsurô constate que si la sphère collective au Japon, s’exprime peu dans l’espace public, la maison est, au contraire, le lieu de la collectivité. En conséquence, la limite extérieure de la maison est d’autant plus forte que l’intimité est faible à l’intérieur. La notion de famille prend alors tout son sens en tant que “groupe”.

maison Réceptacle architecte Jun Igarashi

Chez nous, nous construisons des maisons ouvertes sur l’extérieur, mais divisées à l’intérieur : grandes baies vitrées, et “chacun dans sa chambre !”

Au Japon, on dessine des maisons beaucoup plus refermées sur elles-mêmes, mais à l’intérieur, des espaces totalement ouverts où toute la famille vit ensemble.

Pas de meubles, mais beaucoup de rangements.

Evidemment, la culture de l’éphémère n’incite pas le Japonais à “stocker” et “entasser” comme nous pouvons le faire dans nos caves et greniers encombrés. Cependant, ce qui m’a frappé sur les photos, c’est le peu de meubles de rangement… En observant les plans, j’ai réalisé que les maisons japonaises incluaient toutes des espaces clos dédiés au rangement ! Du coup, les pièces à vivre sont beaucoup plus “zen”…

Rangement dans la maison Yoshiya - architecte Yoshida Isoya

 

Vivre perché

Si, en ville, c’est certainement l’impératif économique qui pousse les Japonais à construire en hauteur comme Azuma (cf ci-dessus), on constate que de nombreuses maisons, comme la Sky house de Kikutake Kiyonori (cf 1ere illustration en haut de l’article), la maison à Zaimokusa de Contemporaries (paragraphe (“emprunter le paysage”), ou encore la Maison à Kugayama de Shinohara Kazuo (ci-dessous) reflètent ce goût de vivre à hauteur des arbres, dans un espace de flottement, quelque part entre ciel et terre:

Maison à Kugayama - architecte Shinohara Kazuo

Ici, le rapport entre les 2 étages est inversé par rapport à ce que nous avons l’habitude de voir dans nos maisons occidentales (maisons de plein pied, + un demi-étage avec terrasse). En effet, ici, la terrasse est au rez-de-chaussée, sous une sorte de préau, elle fait totalement partie de la maison, et est une véritable transition entre le jardin et la maison. Le RDC est donc un séjour – cuisine + une terrasse ombragée. En hauteur, on profite au maximum de la vue, avec un 2e salon central, et les chambres et sdb. De plus, cet étage est encore entouré d’une “engawa” (terrasse couverte) pour profiter encore plus de cet espace de flottement.

Le rapport à la lumière

La frontière entre le “dedans” et le “dehors” étant bien marquée, la lumière, dans la maison traditionnelle japonaise, fait partie du “dehors”, la “maison-refuge” peut alors se rapprocher  parfois de l’image d’un “terrier” comme le souligne l’habitant de la Maison Tranchée dessinée par Daisuke Sugawara. Dans son “Eloge de l’Ombre”, l’écrivain Tanizaki Junichirô rend hommage, en 1933, à la pénombre des intérieurs de bois sombres. 80 ans plus tard, si les intérieurs sont beaucoup plus éclairés par la lumière traditionnelle ou artificielle, certains clients, faisant appel à un architecte, sont à la recherche de cette esthétique traditionnelle du sombre.

Maison à Komazawa - architecte Go Hasewaga

Pas de course à la maison baignée de soleil: dans l’architecture domestique traditionnelle, on trouve des stores en bois, ou des sudare (les fameux stores japonais en bambous), et aussi d’autres éléments qui masquent la vue directe. Selon l’architecte Go Hasegawa, “Ces éléments servent à adoucir les relations avec l’extérieur”

 

Une relation à l’environnement hors du commun

On l’aura compris, dans les paragraphes précédents : le Japonais est doté d’une sensibilité extrême dans son rapport à la terre, au ciel, à la lumière, au paysage qui l’entoure. Sa maison est à la fois un élément de connexion avec cet environnement , et un lieu pour se recentrer, se ressourcer.

Lorsque j’établis le cahier des charges de mes clients avant de démarrer une étude, j’ai toujours un paragraphe consacré à l’environnement de l’habitation, et un autre au rapport qu’ont les habitants avec leur maison : je mets un point d’honneur à rencontrer toute la famille pour comprendre chacun, et tous.

Je rêve du jour où un de mes clients m’écrira ceci :

L'habitant Japonais

 

En résumé

Ce que j’ai compris, à travers les différents témoignages recueillis dans ce livre, est le rapport très particulier que les Japonais ont avec leur maison. Une construction qui n’est pas éternelle, tout comme ses habitants. Un espace à la fois très conscient de son environnement, et volontairement déconnecté. On y vit autrement. On se déchausse. On prend le temps de passer de dehors à dedans. On est seul dans la ville, et ensemble à la maison. On aime profiter de la lumière et des paysages, sans se sentir envahi. La maison est le lieu où l’on se ressource.

Pour obtenir ce livre, cliquez sur l’image :

L'Archipel de la Maison - livre

 

Et vous ? Quel est votre côté JAPONAIS dans votre rapport à votre maison ?

 

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